L’histoire inspirante d’Étienne, bénévole à Clos Bizet

Un bénévole hors pair !

30/05/2025

Nous avons rencontré Étienne, un homme attachant et créatif qui s’investit comme bénévole auprès des résidents de Clos Bizet à Anderlecht. Quelle aventure !

Depuis combien de temps est-ce que tu es bénévole ?

La première fois, c'était dans les années 80. Donc ça fait déjà presque 40 ans. C’est pas mal, hein. Mais ici, dans le cadre des relations avec les seniors, ça fait à peu près huit ans maintenant.

Pourquoi est-ce que tu aimes le bénévolat ?

Ma motivation vient de mon besoin de relations qui soient vraies, donc sans hiérarchie et sans calcul. Dès le départ, il ne s’agit pas d’intérêt.

Qu'est-ce qui te donne le plus de plaisir et de satisfaction dans le bénévolat ?

Je peux être moi-même. Le fait d'être attentif et ouvert valorise un échange. Ma joie, c’est un bonjour, un sourire, une attention. Je les donne comme je les reçois, avec plaisir. Et c’est ça qui m’importe dans le bénévolat.

Quelles sont tes tâches et qu'est-ce que tu fais exactement comme bénévole ?

Ici, j’anime un atelier de recyclage. Mais c’est aussi un recyclage de vie, parce que pendant qu’on fait des activités à but, on va dire, artistique, ça nous rapproche des gens qui sont là. On parle, on échange des souvenirs… C’est un ensemble. Et cet ensemble, oui, je pense qu’on peut appeler ça de l’art, parce que ça apporte, ça donne une autre dimension à notre existence.

Très concrètement, très pratiquement, est-ce que tu peux me décrire en quoi, par exemple, ça consiste ?

On a fait des bricolages : un hôtel à insectes, un « escalier vers le ciel » pour aller dire bonjour aux gens qui sont partis – et duquel on pourrait, à la limite, redescendre. Il y a eu un géant, la nouvelle enseigne du bar… Ce sont tous de petits projets, mais on en voit la finalité. On voit que les gens y ont participé, et avec joie. Ils en sont fiers. Et ça, ça rajoute encore plus de fierté à ce que je donne et à ce que je fais.

Qu'est-ce qui a fait que tu as commencé à faire du bénévolat ? Est-ce qu'il y a eu quelque chose de concret ou une expérience qui a fait que tu as décidé de commencer?

Ma première expérience, c’était un atelier de bûcheronnage avec des jeunes handicapés. C’était leur métier, vraiment. Et j’ai été un peu dépassé par eux et leur motivation. Puis je les ai accompagnés aux Jeux Paralympiques. Là, est né ce besoin de rencontrer des gens, de découvrir autre chose, dans le mélange des personnes. Je me suis retrouvé avec des ingénieurs, des avocats, des gens bien plus cultivés que moi, plus jeunes, plus âgés… Et au final, c’est comme ça que j’ai appris mes langues aussi. Ça m’a permis d’évoluer moi-même.

Tu dis que tu as appris toi-même plein de choses en croisant d'autres personnes. Est-ce que tu peux donner des exemples ?

Je suis administrateur d’un centre culturel, donc je rencontre des gens de nationalités, de langues, de cultures différentes. C’est ce mélange qui m’a enrichi. Ma femme, par exemple, est d’origine haïtienne. Elle a une fille aux États-Unis, donc maintenant je parle anglais. Je parle aussi le néerlandais. Je comprends le brésilien, j’ai des amis brésiliens, colombiens… En réalité, on s’enrichit des gens qu’on rencontre. Une fois qu’on est ouvert, ça devient très facile.

Qu'est-ce que tu espérais acquérir, ou vivre comme expérience, en t'engageant comme bénévole ?

Connaître des choses que je n’ai malheureusement pas connues. Mes grands-parents sont décédés quand j’avais à peine 10 ou 12 ans. Mes grands-parents maternels, pareil. Mes parents sont décédés aussi, ma maman quand j’avais 30 ans. Les personnes âgées, en réalité, je ne les connaissais pas. Et donc c’est en s’ouvrant, en essayant de découvrir, qu’on y arrive. C’est une expérience, une joie aussi de rencontrer des souvenirs que je n’ai pas connus.

Qu'est-ce qui t'a motivé à t’engager comme bénévole au Clos Bizet?

Le partage. Dire bonjour, demander comment ça va, raconter quelque chose… vraiment faire des échanges, c’est ça qui m’intéresse. Et puis, je n’ai pas de problème d’ordre pécuniaire, donc j’ai vraiment le choix. Je viens quand je veux, le plus souvent possible, parce que ça me fait plaisir. Quand je passe la porte ici, c’est toujours avec un sourire et avec joie.

Est-ce que tu as des exemples de ce que ça a fait avec toi ?

Mon plus bel exemple, c’est Joseph. Il est même venu chez moi à la maison, il a donné un coup de main, il était présent. Je le considérais presque comme un nouveau papa. On a fait un bout de chemin ensemble, on s’est apporté chacun ce qu’on pouvait. De la joie, de la communication, des moments autour de projets, ou juste parler d’autre chose. Je pense que ça lui a fait du bien, et moi aussi. C’est une relation qui m’a manqué. J’en ai pris le meilleur. Et maintenant, parfois, c’est juste un souvenir, une pensée. Comme cet hôtel à insectes où il y a un morceau de bois qu’il a foré pendant une heure. Quand je vois ce morceau, c’est tout de suite son visage qui me revient.

Thérèse adorait coudre. Sa boîte était devenue dangereuse, elle ne retrouvait plus rien dedans. Elle était vraiment dans un sale état, cassée. Je l’ai réparée pour elle.. J’y ai passé des heures de travail, mais avec joie, minutie. Son sourire, ses yeux quand elle l’a revue… Ce qu’elle m’a dit : « Jamais personne n’a fait quelque chose comme ça pour moi. » Ça coupe les jambes, vraiment. Quel cadeau… non-taxable. J’ai appris son décès quand j’ai vu son fils repartir avec la boîte. Quelque part, c’est un souvenir qui retourne à sa place

Est-ce qu’il y a un but spécifique en tant que bénévole ?

Un but ? Non. C’est plutôt un souhait. Un but, c’est défini, c’est mesurable. Les sentiments, par définition, c’est du ressenti. On ne peut pas les quantifier. Mais ici, je suis heureux comme je suis. Je suis content de ce que je vois, de ce bonjour, de ce merci, ou juste d’un regard. C’est bien.

Est-ce que tu donnerais le conseil aux autres de faire du bénévolat ? Pourquoi ?

Oui, parce que ça apporte vraiment quelque chose. Ce n’est pas donner avec l’espoir d’un retour, non. Mais on donne… et on voit. C’est concret. Une aide, dans le cadre du bénévolat, même avec des enfants, on la voit tout de suite. Elle n’est pas monnayée. La valeur est dans les yeux de la personne, dans son sourire. Et parfois, il ne faut pas de gros efforts. Il faut juste être ouvert et réceptif. Et voilà, on reçoit un retour, parfois bien plus que ce qu’on a donné. Un petit geste, une tape amicale, un sourire… On y gagne. C’est incroyable.

Comment est-ce que tu décrirais le bénévolat, si tu dois l’expliquer à quelqu’un ?

Je dirais que c’est une action positive. Être ouvert et attentif aux autres. C’est une manière très simple d’exister.

En néerlandais, on dit « vrijwilligerswerk ». Beaucoup de gens disent que ce mot ne correspond pas à ce que ça représente. Est-ce qu’il y a un mot auquel tu penses qui serait plus adapté ?

« Bénévole », à la base, ça veut dire : ne pas être payé pour une action. Le bénévolat, c’est un pas vers l’autre. Il ne faut pas de calculs. Juste une action, un sentiment envers la personne qui est là. Juste la regarder. Alors là, le bénévolat ne devient pas un travail. Ce n’est pas une annonce. C’est quelque chose de voulu. Et moi, je le veux. Donc ça change tout. C’est plus « vrijwilligers-actionnistes » que « vrijwilligers-werk », oui. Il faut aller vers l’autre, il faut vouloir. Il y a des gens qui se méfient de tout. Le bénévole, c’est celui qui veut aller vers l’autre. Et c’est gai. Ça doit être encouragé. Mais il faut faire le premier pas.

Si tu dois donner un nom à ce que tu fais ici au Clos Bizet ?

Un nom pour ce que je fais au Clos Bizet ? C’est très difficile. Il m’en faudrait un dictionnaire. Tous les mots que j’apprends ici: bonheur, joie, sincérité, réalité parfois… parfois pas de lendemain. Tout ça se mêle. Comme je ne compte pas, je ne m’amuse pas à compter, je ne suis comptable que de mes instants. Et tout le temps que je peux donner, je le donne.

Est-ce qu’il y a quelque chose qu’on n’a pas dit et que tu aimerais encore ajouter ?

Oui. Le fait d’avoir une pensée pour quelqu’un. Parce qu’ici, demain, tout peut changer. Le souvenir, c’est une résurrection, c’est la vie après la vie. Et donc je pense à tous les gens qui sont ici. Ça fait du bien. Mon petit monde devient de plus en plus grand. À chaque personne en plus, il y a une vie en plus. Même ceux qui sont partis, ils sont toujours là. C’est chouette.

C’est quoi le plus beau projet que tu aies fait à l’intérieur du Clos ?

Un des premiers, c’était l’hôtel à insectes. On s’est amusé comme des petits fous. Je me souviens de cette séance avec les bâtons qu’on mettait debout sur les tables, et que certains s’amusaient à faire tomber. Mais mon souvenir le plus mémorable, c’est ce concert de flûte avec des bambous. On a passé une après-midi à rigoler, on n’a pas travaillé du tout. Mais ça reste un des plus beaux souvenirs. On devait scier, couper des bâtons pour les mettre dans les caisses en bois pour construire l’hôtel à insectes. Et au lieu de ça, tout le monde a pris un bambou et a essayé de siffler dessus. Certains n’étaient pas doués, mais pour d’autres, ça marchait vraiment bien. On a fait de la musique et on a ri... Avec le bambou, ça marche toujours !