La véritable histoire de Gisèle : « Nous ne cessons jamais de prendre soin des autres »

Gisèle concilie travail, famille et soin, jour après jour.

22/10/2025

Gisèle travaille dans notre maison de repos et de soins Clos Bizet. Mère de cinq filles et grand-mère de quatre petits-enfants, elle soutient également sa famille restée au Congo. Son parcours illustre la formidable résilience des femmes qui jonglent chaque jour entre travail, famille et soins aux proches. C’est son histoire, mais elle résonne avec celle de nombreuses autres femmes : les soins ne s’arrêtent jamais.

« Je suis d’origine congolaise. En 1999, je suis arrivée ici avec ma famille. Mon mari avait obtenu une bourse d’études. Nous avions quatre enfants : l’aînée avait onze ans, la plus jeune un an, et des jumeaux de trois ans. Je me levais souvent à trois heures du matin pour tout préparer pour la semaine : laver les uniformes, faire les courses, cuisiner, vérifier les factures. À cinq heures, tout était prêt et je partais travailler. »

Les premières années ont été difficiles. Avec quatre enfants, elle a tout de même réussi à terminer ses études d’aide-soignante. Son mari n’a pas voulu rester en Europe et est reparti en Afrique après ses études, laissant Gisèle seule avec ses enfants.

Un jour, elle a frappé à la porte d’une maison de repos. « J’ai directement dit que mes papiers n’étaient pas encore tout à fait en ordre parce que mon mari était parti. Le directeur m’a tendu la main. Il m’a donné un contrat à durée indéterminée et a adapté mon horaire au rythme scolaire des enfants. En parallèle, nous avons entamé les démarches juridiques pour régulariser ma situation. J’ai vécu comme cela pendant trois ans. C’était un stress énorme, difficile à décrire. »

À l’école aussi, tout n’était pas simple. « Une fois, j’étais en retard pour aller chercher les enfants, car j’avais dû rester plus tard à cause d’une urgence au travail. Une femme m’a crié : “C’est toujours la même chose avec toi.” C’était tellement méchant. On ne peut pas passer sa vie à tout expliquer, chaque jour. Mais peut-être que cette femme avait elle aussi ses propres difficultés, peut-être devait-elle aussi s’occuper de quelqu’un chez elle. »

En plus de son travail et de sa famille, Gisèle soutient aussi sa famille élargie. « J’ai une grande famille ici, mais aussi en Afrique. Je m’occupe de ma mère et de ma sœur cadette. Cela coûte cher. Je ne peux pas arrêter de travailler, j’ai besoin de cet argent pour aider ceux qui sont malades, ici et au Congo. »

Elle prend soin des aînés sur son lieu de travail, mais cette attention ne s’arrête pas à la porte. « Même aujourd’hui, mes enfants viennent manger ici chaque vendredi. Je cuisine toujours comme s’ils vivaient encore tous à la maison. Et ils le savent. »

« Je suis une vraie Africaine. Nous ne cessons jamais de prendre soin des autres. Tant que nous avons de l’énergie, nous devons la donner. Nous pensons que nous n’avons pas le droit de penser à nous-mêmes. Il y a toujours mille choses à faire. Je ne sais pas quand ce sera mon tour. Peut-être qu’un jour viendra, mais pour l’instant, je n’ai pas le temps. »

Son témoignage met en lumière un sujet de société souvent invisible : la façon dont les femmes, partout dans le monde, combinent chaque jour travail, famille et (auto-)soins.

« Qui prendra soin de moi ? Peut-être mes enfants ? À la maison, ils me disent de ne plus courir tout le temps de gauche à droite. Alors maintenant, je ne cours plus… je marche (rires). »

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Gisèle est l’une des voix du podcast « Qui prend soin de nous ? / Wie zorgt er voor ons ? » réalisé par Rina Govers, Thomas Lavergne, Liesbeth De Ceulaer, Guerric Verougstraete et De Praeters.

Écoutez l’interview complet ici, à partir de 37:20.