Art, soins et vie : une conversation avec Catherine Gouffau

Elle nous parle de sa passion pour la thérapie créative, de ses projets uniques et de sa vision du vieillissement.

05/05/2025

Catherine Gouffau combine l’art, les soins et le bien-être dans son rôle de responsable de service à la maison de repos et de soins Clos Bizet. Dans cet entretien, elle partage sa passion pour la thérapie créative, ses projets particuliers et sa vision du vieillissement.

Faites connaissance avec une femme qui relie l’art et la vie d’une manière tout à fait unique.

Catherine, j’espère que tout roule à Clos Bizet. Depuis quand travailles-tu dans les soins ?

En 2017, j’ai débuté comme thérapeute créative avec le projet « From Age2Art » dans une maison de repos à Anderlecht. Avant cela, je travaillais comme coordinatrice de projets dans les secteurs artistique, socioculturel et social. Depuis 2001, je suis aussi impliquée dans PART123, une ASBL active à la croisée de l’art et du bien-être.

Tu es donc dans le domaine depuis un bon moment. Où vis-tu ?

Après bien des détours, j’ai posé mes valises à Molenbeek, il y a presque 30 ans. C’est là que je me sens vraiment chez moi. Je suis à trois stations de métro du centre de Bruxelles, et à trois arrêts de bus du magnifique Scheutbos.

Quelles études as-tu suivies ?

À la base, j’ai étudié les sciences de l’art et de la culture. Par la suite, je me suis formée à la psychothérapie, à la dramathérapie, à la thérapie créative ainsi qu’à diverses formes de travail corporel.

Quel est ton rôle à Clos Bizet ?

Je travaille comme thérapeute créative et coordinatrice du projet « From Age2Art ». Je crée des partenariats et je veille à ce que l’art occupe une place centrale dans la maison. Je suis également personne de référence pour les relations, l’intimité et la sexualité (RIS). Je donne des formations au personnel et je travaille actuellement sur un projet de film queer. L’objectif est toujours de sortir un maximum avec les résidents et d’accueillir le quartier dans la maison.

Pourquoi « From Age2Art » ?

Ce concept m’a conduite vers le secteur des soins. Quand je cherchais une maison de repos pour ma mère, j’ai vu ces mots sur un site web. Même si la maison était vieillissante, on m’a donné carte blanche pour développer le projet. Cette maison a ensuite été reprise par Clos Bizet, ce qui m’a permis d’aller encore plus loin, avec le soutien de la directrice Tamara Bataire. Aujourd’hui, Clos Bizet dispose notamment d’un logement pour artistes en résidence et même d’un atelier de sculpture monumentale avec équipement de soudure.

Qu’est-ce que la thérapie créative ?

C’est l’ensemble des formes de thérapie utilisant l’art comme médium : arts plastiques, danse, théâtre, musique, etc. Contrairement à la thérapie verbale, la thérapie créative est centrée sur l’action. Mais à Clos Bizet, l’art va au-delà de la thérapie : il ne doit pas forcément avoir un but thérapeutique. Il peut simplement offrir du plaisir et de la liberté, sans devoir « servir » à quelque chose.

En quoi l’art est-il une valeur ajoutée dans les soins ?

L’art permet aux gens de se sentir mieux, de se découvrir eux-mêmes et d’être souvent étonnés de leurs propres capacités. Certains ont une affinité avec le mouvement, d’autres avec les formes ou les matières. Expérimenter, créer et ressentir la beauté ensemble, c’est créer du lien. C’est un moyen de rassembler les gens, à travers les générations et les cultures. Les projets artistiques offrent une expérience unique, autant pour les résidents que pour les artistes. Dans une maison comme Clos Bizet, les artistes sortent de leur zone de confort. Un bel exemple est celui de la musicienne Sara Salverius, qui a composé de magnifiques morceaux après avoir échangé avec les résidents.

Quelles activités préfères-tu à Clos Bizet ?

J’aime les activités qui s’intègrent dans un projet global. L’an dernier, nous avons travaillé avec l’artiste français Jean-Yves Bourgain sur un atelier de slam, dont les textes ont été intégrés dans un concert en plein air. Le processus a été documenté par le photographe Kris Verdonck, dont les œuvres sont maintenant exposées dans la maison. Des écoles et associations de jeunes viennent visiter l’exposition, c’est magnifique de voir comment un tel projet relie différentes formes d’art, les résidents et le quartier.

Qu’est-ce qui est important pour toi dans ton équipe ?

Notre complémentarité. Nous sommes tous très différents, ce qui amène à la fois des défis et des opportunités d’apprentissage.

Comment décrirais-tu Clos Bizet en une phrase ?

Une maison où l’on cultive l’art de vivre et l’art de vieillir.

Quel changement récent dans les soins aux aînés te réjouit le plus ?

Depuis 2021, les thérapeutes créatifs, philosophes et artistes peuvent travailler comme personnel de réactivation dans les maisons de repos. Cela apporte plus de diversité et une nouvelle dynamique dans les équipes.

S’il y avait une règle que tu pouvais abolir ?

Toutes les mesures bien intentionnées qui limitent la liberté, la dignité et la qualité de vie. Il ne faut pas toujours éviter les risques, mais réfléchir à comment rendre les choses possibles. Participer à un événement comme la Brussels Pride, ce n’est peut-être pas très « sûr »… mais dans un tuktuk, c’est parfaitement faisable !

Quel est ton leitmotiv dans la vie ?

Vivre en conscience, avec un cœur ouvert, être reconnaissante pour les petites choses, et m’engager dans ce en quoi je crois profondément.

Que signifie vieillir pour toi ?

Vieillir, c’est se regarder dans le miroir avec tendresse et fierté, reconnaître en soi la personne que les autres voient, mais aussi celle que l’on connaît à travers ses histoires et expériences. Vieillir te rend aussi conscient de la brièveté et de la valeur de la vie, ce que je ressens chaque jour dans mon travail. À 57 ans, j’ai déjà perdu plusieurs personnes chères. Travailler dans une maison de repos, c’est être confronté chaque jour à la fragilité du temps. Ce n’est pas “demain” ou “à la retraite” que tout se passe. La vie, c’est MAINTENANT, ici, aujourd’hui.

Et l’avenir ?

Je veux approfondir mon travail et profiter des petits bonheurs : un œuf au petit-déjeuner, un morceau de jazz, une promenade au bord de la mer. Je rêve d’un été dans les îles Lofoten et d’un voyage en train à travers la Mongolie. Et bien sûr, de passer un maximum de temps avec les gens que j’aime – et ils sont nombreux.

Merci pour cette conversation inspirante, Catherine. Avec ta passion pour l’art, les soins et le lien humain, tu fais de Clos Bizet un lieu unique au quotidien.